Plus de 100 aquarelles.
Je les vois ensemble, comme une sorte de recueil d’histoires brèves.
J’aime aussi à penser que leur destinée reste encore incertaine.
Ces travaux ont été réalisés entre août 2005 et janvier 2006, alors que j’étais privée d’atelier.
À travers ce travail, je tente de dégager quelques considérations sur une méthode de travail du peintre et de cerner une définition de cet espace qu’on appelle atelier. Ces quelques réflexions se tournent donc vers la pratique et le temps de l’atelier.
Ces tableautins je les ai provisoirement réunis sous le titre de Promenades, parce que le mot suggère des petits déplacements volontaires et paisibles.
Ces promenades suivent, littéralement, les parcours de voyages que j’ai faits cette année là.
Des petits travaux exécutés en déplacement, au contact des vieux Maîtres anglais, flamands et français, lointains, devenus étrangers; la couleur un peu passée des lettres anglaises, françaises et néerlandaises; les vieux pays.
Dans la quantité, la variété, la polychromie et l’agitation qui découle nécessairement du fait de les rassembler, un paradoxe : une tension, une suspension et le silence des rares images qui restent. Un atelier de l’image en fuite.
24 aquarelles dans la collection du Musée national des beaux-arts du Québec
(2007.295-318)
Don de l’artiste en hommage à John R. Porter, directeur général du Musée de 1993 à 2008
Elsa Morante retrace les événements de l’Histoire de la deuxième guerre mondiale en Italie, en passant par Ida, une fragile petite maîtresse d’école. Les vies simples sont traversées par la violence des grands événements. Elle écrit la solitude, l’isolement, la peur et la violence. Elle fait un parcours dans l’histoire. J’ai pensé le refaire avec elle mais à travers les lieux de La Storia.
Dans La Storia, j’ai souligné les passages évoquant, décrivant, nommant des paysages, des lieux, des places, des endroits, des parcours que j’ai vérifiés dans un Guide de Rome. Ensuite je les ai tracés. Et puis, sur des bouts de toile de lin, grandeur carte postale, j’ai copié à l’encre indélébile, des phrases/images.
À l’aquarelle, sur du papier Fabriano de même dimension, j’ai tracé des trajets imaginaires, intersections de couleurs et de peau. Ensuite, j’ai recommencé ma lecture, en italien cette fois. J’ai repéré, dans l’original du texte, les phrases déjà soulignées dans l’exemplaire de la traduction française. Je les ai copiées. J’ai continué à tracer des intersections aux couleurs Rome. Je ne savais pas comment déployer cette pièce dans l’espace. Cela a donné lieu à une œuvre intitulée Éclats de Rome, elle comprend environ 300 morceaux de phrases de Morante et près de 200 aquarelles et dessins.
« Une femme écrit une autre femme dans un quotidien de guerre.
Elles sont prises dans l’Histoire.
Ensemble.
J’ai choisi Elsa Morante, sa petite institutrice Iduzza et La Storia pour rentrer chaque jour, à travers elles, dans l’écriture d’un quotidien impossible, pour être ensemble des témoins de ces informations nouvelles et inouïes, auxquelles les autres femmes refusaient de croire….
Un quotidien qui cache dans un corset des origines, le viol, un petit garçon. Un quotidien pour adolescent, la bicyclette, le foot, les cigarettes, « quand je serai grand je serai brigade noire ». Un quotidien dans deux pièces, à l’école, dans l’escalier, devant le bistro, à la fenêtre, sur un banc.
Des lieux que les guides mentionnent à peine.
La Rome des pommes de terre et du charbon.
Des tournées quotidiennes de travailleuse.
Un quotidien qui tient dans le creux de la petite histoire, le travail, la famille, le cimetière, les ragots, la peur, le froid, la faim. De si petites choses en regard des vastes mouvements des événements, des armées, des dates et des hommes.
Lis. Copie. Trace.
Depuis quelque temps, de ses tournées quotidiennes de travailleuse, Vilma ramenait au Ghetto, des informations nouvelles et inouïes, auxquelles les autres femmes refusaient de croire, y voyant des créations de son imagination.
Relis.
Da qualche tempo Vilma, attraverso i suoi giri quotidiani di faticante, risportava nel Ghetto delle informazioni strane e inaudite, che le altre donne rifiutavano come fantasie del suo cervello.
Retrace-moi cette Rome-là, son ciel, ses oiseaux, ses jaunes et ses roses, ses pavés. Retrace-moi une mémoire et un oubli, ensemble, sur le lin, le papier, avec de l’encre, de la couleur et un peu d’eau.
Me croiras-tu si je te dis que les oiseaux voient tout, même la couleur, qu’ils racontent tout, même l’horreur? Seulement, se souviennent-ils? »
Monique Régimbald-Zeiber, Éclats de Rome, 2008, Montréal : Galerie de l’UQAM, p. 16-17.