« La nature morte…passait pour un genre pauvre. C’était dans la peinture ce que la lettre est dans la littérature : la forme de représentation la plus basse, la plus courante…
[…]
C’était un art utilitaire, un soutien pour la mémoire, un catalogue peint. Elle représentait, certes…mais elle n’était pas elle-même, engagée à des fins de représentation.
[….]
Elle entretient, en tant qu’art démonstrativement modeste, un rapport précaire avec la vanité…Elle a aussi sa liberté. La liberté de celui qui ne compte pas. »
Adolf Muschg, La lumière et la clef. Roman d’éducation d’un vampire, 1986, Paris : Gallimard.
« Premier arrêt sur image: Natures mortes et autres dépouilles.
L’artiste emprunte au vocabulaire des peintures flamandes et hollandaises, pour créer des natures mortes emportées par une puissance gestuelle qui dépose, sur la toile libre, de la vaisselle, des ustensiles, des nappes, des tapis de tables aux somptueux plis et replis presque abstraits, et des fruits aux couleurs naturalistes. Des animaux aussi: lapins, cerfs, bœufs étalent leurs peaux, leurs chairs vives aux vibrations souvent expressionnistes. Occasionnellement, les dépouilles se détachent et, découpées dans le bois, deviennent ces écorchés suspendus par une corde. Un vertige de couleurs et d’émotions distancie la vie silencieuse de la cuisine, son intimité, pour énoncer que la peinture est reine. La peinture comme une promesse. »
Francine Paul, «Le poids des images et des mots», dans Anne-Marie St-Jean Aubre, Monique Régimbald-Zeiber et al. Les ouvrages et les heures… et les restes, 2020, Joliette, Rouyn-Noranda et Montréal : Musée d’art de Joliette, MA – Musée d’art de Rouyn-Noranda et Éditions les petits carnets, p. 83.
Mon travail s’est, depuis 1985, développé en peinture. C’est la Nature morte que j’ai d’abord privilégiée. Rentrer dans la nature morte, c’était rentrer dans l’espace des femmes : cuisine, objets banals du quotidien, nappes et linges, fleurs, petites choses, flétrissures et pourritures.
Au détriment de la pureté, ma peinture s’est glissée en dehors de l’espace traditionnel du discours sur la peinture pour s’infiltrer dans d’autres espaces plus physiques et plus théoriques aussi. J’y pose la question de la place de la femme dans l’image peinte, dans l’histoire et la tradition de la peinture et conséquemment dans l’histoire des sociétés et cultures occidentales.
La nature morte c’est…..
Le travail du temps d’être et de celui qui fuit : vanité.
Le travail du dépouillement : dépouille.
Le travail des restes de la ripaille de la grande peinture.
« Comme vison tu portes
une palette écarlate qui vrombit
peintre d’histoire avec mamelles
papillons de nuit
un ouragan de cuillères déferle
sur le canevas endimanché
Ta carcasse nous attend
de bois et suspendue
elle hurle l’histoire morte
de la peinture »
Cynthia Girard-Renard, «Nature morte écarlate», op. cit., p. 91.